Quand on parle de couture, de tricot ou de broderie, on imagine souvent un univers exclusivement féminin. Pourtant, l’histoire nous raconte une tout autre trame : depuis des siècles, les hommes façonnent, cousent, brodent et tricotent, en France, en Europe et bien au-delà. Aujourd’hui encore, ils continuent de tirer l’aiguille avec passion, mêlant tradition, innovation et identité culturelle.
Un patrimoine masculin méconnu

En France, impossible d’évoquer la mode sans citer les grands couturiers qui ont marqué le monde de leur empreinte. Christian Dior, Yves Saint Laurent, Karl Lagerfeld, Jean Paul Gaultier… tous
ont fait de l’aiguille et du fil les instruments de leur art. Ces créateurs ont tissé un univers où chaque couture devient langage, chaque ourlet, une signature.
Leurs ateliers, véritables temples de la mode, vibrent encore de ce mélange unique de rigueur technique et d’audace artistique. La haute couture, discipline exigeante qui demande des heures de
broderie, de coupe et de montage, a longtemps été dominée par les hommes, témoignant de leur rôle clé dans la transmission de ce patrimoine textile.
Déjà au Moyen Âge et à la Renaissance, la broderie et la tapisserie étaient souvent l’affaire d’hommes. Les ateliers royaux, comme ceux des Gobelins, comptaient une majorité de maîtres artisans
masculins. Leur savoir-faire, transmis de génération en génération, reste une référence dans l’histoire des métiers d’art. Une autre référence, la machine à coudre dont le brevet a été déposé par
le tailleur français, M. Barthélemy Thimonnier en 1830.
Le tricot chez les Vikings
Les marins, en effet, tricotaient ce dont ils avaient besoin comme des pulls (le fameux pull lopapeysa), des gants ou des bonnets. Des vêtements souvent unis et sans motif. Depuis le 16eme siècle, le tricot fait partie intégrante de la culture islandaise. Il est pratiqué tout autant par les femmes que par les hommes. Si les hommes ont moins tricoté par la suite, ils reprennent maintenant les aiguilles et cela même dès le plus jeune âge. Aujourd'hui à l’école primaire, garçons et filles apprennent à tricoter les points les plus basiques.
L’Afrique : des tailleurs au cœur du tissu social
En Afrique de l’Ouest, la couture masculine est profondément enracinée dans la vie quotidienne. À Dakar, Bamako ou Abidjan, les tailleurs hommes sont les maîtres du fil et de l’aiguille. Ils
découpent les étoffes avec une précision chirurgicale, assemblent les pièces comme on compose une œuvre d’art et brodent des motifs chargés de symboles.
Leurs créations ne sont pas seulement des vêtements : elles incarnent l’identité, l’appartenance et le prestige. Le boubou cousu main ou la tunique brodée sont de véritables parures sociales,
portées avec fierté lors de mariages, fêtes religieuses ou cérémonies traditionnelles.
Ici, la couture n’est pas un simple métier : c’est une tradition qui se tisse de génération en génération.
Les Andes : tricoter pour raconter une histoire
En Amérique du Sud, dans les villages perchés des Andes, ce sont les hommes qui manient les aiguilles à tricoter. Sur l’île de Taquile, au Pérou, chaque homme apprend à tricoter dès son plus
jeune âge. Le bonnet en laine, le fameux chullo, est bien plus qu’un accessoire : il est un langage codé. Les couleurs, les mailles et les motifs révèlent l’âge, la situation amoureuse ou le
statut social du tricoteur.
Ici, le tricot est un rituel, une manière de s’exprimer sans mot, où chaque maille tissée à la main devient un message transmis de père en fils.
En Europe : quand les arts du fil se réinventent
Si la haute couture reste le fleuron français, l’Europe voit émerger une nouvelle génération d’hommes passionnés par les arts du fil. Broderie contemporaine, tricot urbain, customisation textile…
De Londres à Berlin, des créateurs masculins dépoussièrent l’image traditionnelle de la couture.
Sur Instagram et TikTok, des milliers d’hommes partagent leurs points de croix, leurs pulls faits main ou leurs vestes brodées. Ce renouveau démontre que le fil n’est pas un outil figé dans le
passé, mais une matière vivante qui continue de se transformer.
Les hommes et le fil : entre transmission et réinvention
Pourquoi ce retour aux arts du fil chez les hommes ? Parce que coudre, tricoter ou broder, c’est bien plus qu’assembler des tissus :
C’est ralentir dans un monde pressé.
C’est créer de ses propres mains un objet unique.
C’est honorer une tradition tout en inventant son propre style.
C’est aussi casser les clichés, en montrant que l’aiguille n’a pas de genre.
Des ateliers parisiens aux marchés africains, des montagnes andines aux réseaux sociaux européens, les hommes et le fil sont liés par une même passion : celle de transformer une simple étoffe en
une œuvre de mémoire et d’émotion.
Les arts du fil ne connaissent ni frontières, ni genres. Les hommes, partout dans le monde, continuent de tisser leur histoire, un point après l’autre.
Quelques références européennes sur les réseaux
- WhatMoritzKnits très présent sur TikTok montre que le tricot peut être une pratique masculine visible, expressive et non stéréotypée.
- NimbleNeedles à suivre sur youtube, pour ses tutoriels de tricot, ses techniques, ses explications claires pour tous niveaux.
- Imane Ayissi designer haute couture caméléon entre tradition africaine, broderie, couture classique.
Article rédigé par Sébastien Porcher